Québec a d’abord l’air d’une ville carte postale, avec son hôtel-château de conte de fées et ses maisons en pierre du XVIIe siècle qu’on croirait téléportées depuis un village du sud de la France.

Alerte dissertation : cet article est beaucoup plus long que d’habitude, s’il vous barbe, vous avez le droit d’aller directement aux photos 🙂

Ce qui nous a le plus frappé dans cette ville, c’est la cohabitation très serrée de la double culture, francophone souverainiste et canadienne fédéraliste. En Gaspésie déjà, on voyait des drapeaux flotter devant les maisons, québécois, canadien, acadien ou même britannique, mais ils étaient en général localisés par village.

Ici, les deux camps se retrouvent nez à nez. Les Anglais et les Français se sont disputés la ville pendant un siècle. Les Anglais ont fini par l’emporter sur les Plaines d’Abraham, qui est aujourd’hui un beau parc public mais aussi un monument historique de « La Conquête ».

Dans le même quartier, il y a la statue de Montcalm, qui dirigeait les troupes françaises (et qui a donc perdu), celle de De Gaulle, pour son discours de 1967 (avec des bougies, des fleurs et des petits mots !), celles d’hommes politiques québécois – dont Papineau, qui a même participé à une révolte armée dans les années 1830.

Au parlement – l’Assemblée Nationale, notez le « Nationale », pas Provinciale ou Régionale – une exposition rappelle dans le détail le combat des francophones pour maintenir ou obtenir de l’autonomie vis-à-vis de l’Angleterre, de la Conquête à l’indépendance du Canada.

Quelques centaines de mètres plus loin, il y a un musée de la culture francophone dans le monde… et un monument à Wolfe, qui dirigeait l’armée britannique à la bataille des plaines d’Abraham. Je ne me rappelle pas avoir vu une autre ville où on élève des monuments aux vainqueurs et aux vaincus, d’habitude les vainqueurs effacent tout. En Irlande peut-être ?

Québec est aussi le seul endroit, jusqu’ici, où nous avons eu l’occasion de discuter politique avec un souverainiste convaincu, le compagnon de notre hôtesse AirBnB. Nous avons eu au petit déjeuner une discussion passionnante sur les moyens de défendre une culture menacée d’assimilation et sur l’importance de la langue…

Nous avons continué le débat entre nous une bonne partie de la journée – est-ce qu’on peut défendre sa culture sans se replier sur soi ? Comment s’intéresser à d’autres langues, d’autres littératures par exemple, sans « trahir » la sienne, si elle est menacée ?

Fin de la journée au Musée de la Civilisation, avec la visite commentée d’une exposition sur les Amérindiens (ou Premières Nations) du Québec, qui racontait, entre autres, les dégâts irréversibles de la politique d’assimilation forcée (comme en Australie, chouette !) : enlèvement des enfants à leur famille, placement dans des pensionnats où ils étaient négligés ou activement maltraités, interdiction de parler la langue maternelle…

À l’échelle individuelle ou familiale, c’est déjà épouvantable, mais appliquez sur 2 ou 3 générations consécutives, et vous faites efficacement disparaître des pans entiers de cultures qui ne se transmettaient que par oral. Retour à la question de l’importance de la langue.

La présence de Catalans dans le groupe de visite nous a aussi renvoyé à l’imposition du français en France face aux langues régionales. Est-ce que c’est comparable ? Comment savoir ce qui s’est perdu dans ce processus, puisque, justement, on l’a perdu ? Que deviennent aujourd’hui les Amérindiens de Guyane ?

En conclusion, une jolie ville, qui nous a surtout donné du grain à moudre.